Sur cette ville nouvelle, les achéens, il y a deux ans, ont débarqué. De crique sans vie fréquentée par des crabes et des poissons, c'est devenu une véritable petite cité fortifiée, ceinte de murailles de bois et de pierre, abritant quelques demeures en dure mais aussi beaucoup de constructions précaires et de tentes, grouillante de vie, où des dizaines de milliers de combattants achéens vivent tant bien que mal en attendant d'aller se faire tuer à l'ombre de Troie. Son nom, Nectopolis, vient de Necto, conseiller et compagnon de char d'Agamemnon, tué par un archer sous les murailles de Troie.

Des tas de cadavres, des bûchers qui ne cessent de flamber. Si les achéens et les troyens brûlent leurs morts, il faut procéder à des rites chronophages, et bien vite on cessa de le faire, rassemblant simplement les moins augustes en tas, à l'écart de Nectopolis, qu'on recouvre d'huile pour y mettre le feu à intervalles réguliers. Cimetière de feu et de fumée, l'odeur abjecte de la chair brûlée ne quitte jamais ces lieux, fréquentés, pourtant, par des compagnons, amants, amantes, pères, cousins, désireux de rendre les derniers hommages.

Appelées ainsi en raison de la couleur blanche, voire translucide, des grains de sable qui donnent un air féerique aux lieux à l'aube, c'est sur ces plages que les achéens ont débarqué en massacrant à tour de bras. C'est aussi dans la mer Egée que vient se jeter le fleuve Scamandre, d'où les deux camps tirent leur eau potable.